Le séneçon : plante toxique

Auteur : Laëtitia Marnay, Ifce

Cette plante herbacée à floraison estivale contient des alcaloïdes toxiques provoquant de graves lésions du foie. Normalement peu appétant, le séneçon peut être consommé par les chevaux dans le foin, ou parfois pâturé, lors d’étés secs, quand la végétation est plus rare. L’apparition des symptômes signe une intoxication avancée, souvent létale. Savoir reconnaître cette plante permet ainsi de mettre en œuvre des mesures de prévention.

Description

Sur les plus de 1 200 espèces de séneçons, trois principales peuvent être trouvées en France, le séneçon commun (Senecio vulgaris), le séneçon du Cap (S. inaequidens DC) et le séneçon Jacobée (S. jacobea L.). Appartenant à la famille des composées, on peut les distinguer par leur taille, leur port et leur durée de vie notamment.
 

  • Le séneçon commun est une annuelle, de 10 à 50 cm, fréquente dans les jardins où elle est considérée comme une mauvaise herbe. Bien qu’également toxique pour les mammifères, il semble peu incriminé en France dans les intoxications de chevaux. Ceci peut s'expliquer par sa relative pauvreté en alcaloïdes hépatotoxiques et le fait qu'il sont majoritairement localisés dans la racine.
  • Le séneçon du Cap, originaire d’Afrique, mesure de 40 à 80 cm, a une durée de vie de 5 à 10 ans et fleurit de mai à décembre. Les fruits, des akènes plumeux/à aigrettes, se disséminent de juin à décembre. D’abord cantonné dans le Sud de la France, il colonise progressivement l’ensemble des régions. Les tiges poussant au départ à l’horizontale avant de se redresser, il présente une forme de buisson.
  • Le séneçon jacobée est bisannuel, vient d’Europe, et mesure 50 à 120 cm. Très commun en France, il fleurit de juillet à décembre, chaque pied produisant jusqu’à 100 000 graines. Les tiges, très ramifiées au sommet, lui donnent une allure d’éventail. Rencontrés souvent sur les talus ou dans les zones de friche, on les trouve aussi dans les prairies en conditions sèches.

 

 

séneçon jacobée

Séneçon jacobée © P.Doligez, Ifce

séneçon commun floraison

Séneçon commun en début de floraison ©L.Marnay,Ifce

séneçon jacobée

Séneçon jacobée © L.Marnay, Ifce

graines séneçon

Les graines portées par leur aigrette sont disséminées par le vent© LM, Ifce

Circonstances d’intoxication

séneçon et cheval

Le séneçon est rarement consommé en vert sauf en période de sécheresse ©L.Marnay, Ifce

 

La toxicité est due à la présence d’alcaloïdes pyrolizidiniques. Ils sont métabolisés au niveau du foie en métabolites toxiques qui y provoquent des lésions irréversibles chez les vertébrés.

Toutes les parties de la plante sont toxiques, en vert comme séchées, mais les tiges sont en général refusées par les chevaux. Les plus fortes teneurs en principes actifs sont rencontrées dans les fleurs et feuilles, particulièrement aux premiers stades de végétation (jeunes pousses).

Du fait de son amertume, les séneçons sont rarement mangés par les chevaux au pâturage. En cas de sécheresse, la rareté de la végétation les amène parfois à en consommer les feuilles et fleurs.

A la dessiccation, l’amertume liée aux alcaloïdes diminue. Les foins et enrubannés de prairies de mauvaise qualité, contaminées par des séneçons constituent ainsi une source majeure de contamination.
 

Symptômes - Diagnostic

L'intoxication conduit à des lésions irréversibles des cellules hépatiques.

L’intoxication aiguë est rare et fait suite à une ingestion en quelques jours d’une quantité correspondant à 3 à 5% du poids vif du cheval (soit 15 à 25 kg…). Elle aboutit à une mort rapide après apparition de signes digestifs (coliques, inappétence, constipation, soif excessive) et nerveux (phases d’excitation et d’incoordination, associées à une baisse de la vision, engendrant des blessures).


L’intoxication chronique fait suite à une consommation quotidienne de 50 à 100 g/j pendant 6 à 8 semaines. Celle-ci génère une accumulation progressive de métabolites toxiques dans le foie, qui perturbent le métabolisme de l’ammoniac en urée.
Le cheval est en bonne santé jusqu’à l’apparition brutale de signes cliniques, d’une insuffisance hépatique, parfois plusieurs mois après le début de l’ingestion.

Dans un premier temps, on observe :

  • Anorexie (perte d’appétit) et amaigrissement
  • Coliques récidivantes
  • Ictère
  • Photosensibilisation estivale

 
En phase plus avancée, avec une dégradation plus ou moins brutale selon les chevaux, des signes d’une encéphalose hépatique surviennent :

  • Modification de l’état de conscience
  • Ataxie (manque de coordination)

 

Le diagnostic est très délicat à établir avec certitude en raison de l’apparition tardive après ingestion, et les signes cliniques/résultats des examens biochimiques qui ne sont pas spécifiques à cette affection.

De plus, au sein d’une même parcelle, certains chevaux présentent des signes +/- tardivement, d’autres pas du tout. Il existe très probablement des variations individuelles en termes de :

  • Tendance à consommer la plante
  • Sensibilité à ses substances toxiques


 

Traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique. Le traitement est symptomatique et consiste à soulager le cheval et essayer de limiter les dégâts liés à l’accumulation d’ammoniac dans l’organisme. Il consiste notamment en :

 

  • Procéder à une fluidothérapie
  • Administrer des anti-inflammatoires
  • Administrer des antibiotiques pour limiter la production d’ammoniac par les bactéries du tube digestif afin de pallier la perte de la fonction de détoxification du foie.
  • Distribuer une alimentation pauvre en protéines (dont la digestion génère de l’ammoniac) et riches en glucides en plusieurs petits repas


Le pronostic est sombre dès lors que le cheval présente des signes cliniques. On note 60 % de mortalité selon les études. Le pronostic sportif des chevaux qui survivent est mauvais en raison de la persistance d’une intolérance à l’effort.
 

Prévention

Poulain dans le séneçon

© O. Macé

Les mesures de prévention sont capitales pour limiter les risques d’intoxication liés aux séneçons : il s’agit d’éviter l’ingestion !

 

  • Informer les propriétaires de chevaux de la toxicité du séneçon.
  • Entretenir les prairies destinées au pâturage et à la production de fourrage
    • Procéder à l’arrachage systématique des pieds situés dans les parcelles au stade jeune plantule ou floraison (éviter la production de graines !!),
    • Désherber en cas d’invasion : attention alors de ne pas introduire les animaux avant 15 jours : le séneçon séché est consommé par les chevaux…
    • Veiller à éliminer les résidus (de plus les fleurs peuvent fructifier dans les 2-3 jours suivant leur arrachement) et à les incinérer : éviter absolument de les mettre dans la fumière ou au compost.
  • Assurer une bonne gestion du pâturage
    • Eviter le surpâturage, notamment en période de sécheresse,
    • Effectuer une fauche régulière des refus (avant production de graines…).
  • Enfin, la lutte biologique consiste à procéder à un semis dense de légumineuses ou de graminées sur les sols infestés par cette plante. L’utilisation d’une rouille spécifique (champignon parasitant la plante et provoquant des pustules jaunes-orangées sur ses feuilles, affaiblissant les plants) ou d’un puceron, habituellement prédateurs du Séneçon jacobée, est également à l’étude.

La lutte contre les séneçons est une entreprise de longue haleine. L’information et la vigilance des propriétaires de chevaux est capitale pour limiter le risque d’intoxication - en vert ou par les fourrages - insidieuse et souvent irréversible.

Références bibliographiques

  • SARCEY G, GAULT G., LORGUE G, Les intoxications par les sénéçons chez les équidés, Le point vétérinaire vol 23, n°141, janv-fév 1992 p71-77
     
  • PASSEMARD B., PRIYEMKO N, L’intoxication par les sénéçons, une réalité en France, Revue Méd.vét, 2007, 158, p 425-430
     
  • PAVILLOT C., Thèse de doctorat vétérinaire 2010, Bilan 2008 des appels reçus au CNITV de Lyon. Etude spécifique des intoxications chez les équidés, 130 p
     
  • CALONI F., CORTINOVIS C, Plants poisonous to horses in Europe, Equine veterinary education, 2015, 27 (5), p269-274