LONG FORMAT. Et si Lamotte-Beuvron accueillait les JO 2024 ?

La Nouvelle République Loir et Cher - Publié le 19/04/2018 à 06:06 | Mis à jour le 19/04/2018 à 08:58

Les pouvoirs publics suivent l’évolution du Parc comme ici en 2012, avec la ministre des Sports Valérie Fourneyron.

Les pouvoirs publics suivent l’évolution du Parc comme ici en 2012, avec la ministre des Sports Valérie Fourneyron. 
© Photo archives NR, Jérôme Dutac

Ce jeudi 19 avril, la NR consacre un dossier aux chances de Lamotte-Beuvron d'accueillir les épreuves équestres des Jeux Olympiques de 2024. Beaucoup y croient et avancent leurs arguments.

Les épreuves équestres des JO 2024 à Lamotte-Beuvron, l’idée a de quoi surprendre. Si pour l’heure saut d’obstacles, dressage, cross, pentathlon sont prévus au château de Versailles, nombreux sont ceux, en particulier élus, qui poussent en coulisses depuis des mois pour soutenir la candidature du Parc équestre fédéral. De nombreuses résolutions ont été votées par les communes du Loir-et-Cher, la Région, le Département.

Les partisans des quinzaines olympique et paralympique au cœur de la Sologne avancent de nombreux arguments. L’éloignement géographique de Paris est loin d’être une incongruité : la voile se déroulera à Marseille, les matchs de foot auront lieu dans différents stades de l’Hexagone et Lamotte est à 1 h 30 par le rail, les aéroports parisiens à deux heures par l’A 71, le Center Parcs voisin offre 4.000 lits.

Lamotte est le Clairefontaine du cheval, siège de la Fédération et maison des cavaliers, avec un savoir-faire et une expérience. Le site accueille le plus grand rassemblement équestre au monde avec le Generali open de France et ses 15.000 chevaux et 600.000 visiteurs. D’ici les Jeux, le Parc aura achevé ses grands travaux (manège de 10.000 m2, stade de 8.000 places, centre d’hébergement…). Les défenseurs militent aussi pour des Jeux ruraux et pas uniquement réservés aux villes. 

Le rapport qui fait mal

Malgré cette liste d’arguments, l’affaire semble mal engagée. Dans son rapport remis le 30 mars dernier, l’Inspection générale des finances propose de "maintenir l’organisation des épreuves équestres des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 dans le parc du château de Versailles". Un château mondialement connu, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, visité par six millions de personnes chaque année… Jean Castex, délégué interministériel des JO, a indiqué par mail lundi 16 avril à Pascal Bioulac que ce rapport mettait fin au débat sur le changement de site pour les épreuves équestres. 

Le maire de Lamotte oppose l’argument financier. Il annonce l’explosion du budget (27 millions d’euros), en s’appuyant sur l’exemple des Jeux de Londres. En 2012, les épreuves se sont déroulées à Greenwich Park, sur un sol artificiel réalisé pour l’occasion.

Il faut le faire à Lamotte pour un héritage permanent pour la filière. 

Pascal Bioulac, maire de Lamotte-Beuvron

"On va devant une grande catastrophe, Versailles c’est la même problématique avec des constructions éphémères, avance Pascal Bioulac, maire de Lamotte et ancien directeur du Parc équestre. Les Anglais se sont plantés et on va refaire la même erreur. Ils avaient prévu 60 millions de livres, ça a coûté 120 millions au final avec la remise en état. Si le Cojo (comité d’organisation) veut des JO raisonnables et raisonnées, il faut le faire à Lamotte, pour un héritage permanent pour la filière."

Versailles ? Une barre HLM

Et pour le faste, on repassera pour Pascal Bioulac. "Les épreuves ont lieu à 4 km du château. A cette distance, le château c’est une barre HLM". Signe encourageant pour Lamotte, c’est que Versailles ne fait pas l’unanimité dans le monde du cheval. Mais la concurrence fait rage, d’autres sites se sont positionnés. Comme le Haras du Pin (Orne) pour le cross, surnommé le Versailles du cheval, qui avait accueilli cette discipline lors des Jeux équestres mondiaux en 2014. 

Une décision devrait être prise en juin. D’ici là, les porteurs du projet lamottois espèrent. En premier lieu Pascal Bioulac qui enchaîne les rendez-vous à Paris. Son objectif ? Convaincre une personne pour faire pencher la balance. "Au final, c’est Emmanuel Macron qui prendra la décision". 


Alexandre Salle

 

 

La parc équestre et ses infrastructures hors normes

A la base, il y avait là une colonie pénitentiaire agricole pour jeunes détenus. Créée en 1872 dans l’ancien domaine impérial de Lamotte-Beuvron, elle comprenait les restes d’un vieux château du XIIIe siècle ainsi que les bâtiments d’un château plus récent avec ses dépendances, le tout sur 426 hectares de terres.

C’est dans cet espace, appartenant au ministère de l’Agriculture, que le Poney club de France a élu domicile en 1993, puis la Fédération française d’équitation en 2008 à la suite de la modification de ses statuts. L’institution fédérale, depuis, a mis en œuvre de nombreux travaux qui font aujourd’hui du site le plus grand parc équestre d’Europe.

Le Carré international, dernier-né des équipements du Parc équestre fédéral.

Le Carré international, dernier-né des équipements du Parc équestre fédéral. 
© Photo FFE/PSV

Des chiffres impressionnants

Le Parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron, c’est aujourd’hui, entre autres, un domaine de 400 hectares avec 3 manèges de 4.000 m2, 10 carrières modulables de saut d’obstacles, 1 spring-garden, 1 cross national, 5 rectangles de dressage, 9 terrains de horse-ball, 2 terrains de polo, 1 rond d’Havrincourt, 1 rond de longe, 1 piste de galop, 1 marathon d’attelage, 520 boxes permanents, 8 parkings (VL, camions et vans), 3 restaurants de 300 personnes, 15 salles de réunion modulables, des locaux techniques équipés, 2 bâtiments administratifs de plus de 5.000 m2, 85 chambres, 3 blocs sanitaires et 1 sonorisation générale permanente. Des infrastructures pérennes qui permettent chaque année d’accueillir le plus grand rassemblement équestre au monde : le Generali Open de France.

De plus, après deux ans de travaux, le site vient de se doter d’un équipement destiné aux compétitions de très haut niveau dans les trois disciplines olympiques (CSO, dressage, concours complet) : le Carré international, une structure de 130 mètres de long, 92 de large et plus de 20 mètres de haut.

130 C'est le nombre de communes soutenant la candidature du Parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron. Des collectivités du Loir-et-Cher, mais aussi du Cher et du Loiret auxquelles il faut ajouter le soutien du conseil régional Centre-Val de Loire et celui du conseil départemental du Loir-et-Cher. 

“Une mobilisation unanime des acteurs”

Nicolas Perruchot et Yvan Saumet en sont convaincus : la perspective d’accueillir les Jeux olympiques équestres à Lamotte-Beuvron n’est pas une chimère. "À ce jour, tout peut encore basculer et nous nous y attachons avec d’autant plus d’énergie que tous les acteurs locaux concernés, politiques, économiques, sportifs, partagent la même conviction et nourrissent le même espoir. C’est l’objectif le plus consensuel que nous ayons jamais poursuivi !"

A Versailles, tout est à créer en matière d'infrastructures.

Nicolas Perruchot, président du conseil départemental de Loir-et-Cher

Le président du conseil départemental et celui de la chambre de commerce et d’industrie laissent à Pascal Bioulac le soin de porter officiellement la candidature du Parc équestre. Mais l’un et l’autre activent leurs réseaux pour soutenir sa démarche. Leur stratégie : privilégier les actions discrètes, mais argumentées, afin de faire prévaloir les atouts de la fonctionnalité sur ceux du prestige. "À Versailles, tout est à créer en matière d’infrastructures pour une utilisation ponctuelle. Les sommes évoquées donnent le vertige et l’impact écologique sur le parc sera désastreux. Lamotte est déjà le premier site équestre d’Europe et le troisième mondial. Pour ceux qui le connaissent, sa légitimité est évidente."

Pour ceux qui le connaissent, certes… Reste donc à y attirer "l’homme" qui, en cas d’hésitation du Comité olympique, tranchera en dernier ressort : "Si nous parvenons à faire venir Emmanuel Macron à Lamotte, nous aurons franchi une étape décisive." L’ambassadrice du Loir-et-Cher au gouvernement, Jacqueline Gourault, dont les attaches avec le monde de l’élevage équin sont connues, s’y emploie. On connaît sa ténacité en toutes circonstances, mais plus particulièrement quand les intérêts de son département sont en jeu !

Retombées touristiques

Et les intérêts sont précisément l’enjeu majeur de l’opération : "Un formidable coup de projecteur sur le département, au moment où le tourisme s’impose comme un vecteur privilégié de développement" constate Yvan Saumet. Nicolas Perruchot renchérit : "On mesure encore les retombées d’une simple étape du Tour de France à Blois. Alors, les Jeux olympiques… "  L’image sympathique et familiale du sport équestre, discipline en pleine croissance, servirait bien les potentialités du territoire en termes de loisirs nature.

L’événement permettrait en outre de faire émerger de nouveaux projets autour de Lamotte-Beuvron : hôteliers, bien entendu, mais aussi ludiques : on parle d’un hippodrome, et aussi d’un parc de loisirs sur le thème du cheval : de quoi renforcer l’attractivité de tout ce secteur de la Sologne, porte d’entrée naturelle vers le Val de Loire. 

Jean-Louis Boissonneau